Dessin et Peinture « Multi-techniques » : ma méthode pédagogique en détail
Artistes peintres, travaillez-vous au génie ou au labeur ?
Dessin et peinture « Multi-techniques, » mes conseils sur la stratégie créative à adopter : méthodes et résultats.
Un long cursus universitaire dans le domaine des arts plastiques et de l’architecture, puis l’exercice simultané du métier d’enseignant et d’artiste indépendant me ramènent très souvent au constat suivant : dans le domaine des arts, dessin, peinture, infographie, sculpture, architecture, etc. je pense qu’il existe deux approches très différentes dans l’action de créer.
1ère méthode : peindre « au génie. »
La première approche, que j’appellerai « créer au génie » consiste à réaliser spontanément des œuvres sans connaissance particulière et presque sans efforts, en parvenant rapidement à un résultat satisfaisant, de façon totalement intuitive. J’ai le souvenir, par exemple, d’artistes faisant leur premiers pas avec un logiciel d’image de synthèse, et obtenant dès les premières images un rendu des formes et des couleurs spontanément harmonieux et une image naturelle et intuitive qui atteint parfaitement son but : faire naître l’émotion.
Souvent pratiquée par des artistes amateurs, pour qui l’art est essentiellement un loisir, cette première approche peut donner naissance à des travaux fort intéressants.
2nde méthode : peindre « au labeur. »
La seconde, que je définirai comme « créer au labeur » repose sur une approche purement culturelle et un long apprentissage des pratiques artistiques, au prix d’efforts soutenus et intenses. Elle concerne une très large majorité d’artistes. C’est un cheminement souvent ponctué de phases d’enthousiasme mais également de doutes et de moments de découragement, éprouvés même par les artistes les plus renommés. Contrairement aux apparences, cette approche est bien plus fréquente qu’on ne le suppose et les œuvres qui apparaissent comme spontanées résultent bien souvent d’un acharnement long et méthodique.
Cette méthode est très fréquemment pratiquée par des artistes professionnels, ou des artistes amateurs ayant une très longue expérience. Très rares sont les artistes confirmés, ayant une production plastique homogène et régulière, qui peuvent prétendre travailler « réellement » au génie. Ce qui semble relever du pur génie repose en réalité sur un travail méthodique de longue haleine.
A mon sens, le travail de l’artiste pourrait être assimilé à une sorte de « prestidigitation » ou une sorte de « trompe l’esprit » : tout en produisant l’illusion d’aller de soi et d’être créée au génie, l’œuvre relève en réalité d’un travail acharné de longue haleine, bien souvent du labeur de toute une vie. Pour une toile aboutie, combien de toiles inachevées ou rejetées ont constitué des esquisses préparatoires ? Et d’ailleurs l’œuvre finale est-elle toujours celle qui déclenche le plus d’émotion ?
L’objectif de toute œuvre d’art, c’est avant tout de communiquer.
Généralement, en dehors de certaines approches conceptuelles, la pratique de la peinture, qu’elle soit figurative ou abstraite, consiste à susciter l’émotion chez le spectateur par une organisation picturale esthétique. La peinture cherche à être agréable, elle séduit le spectateur par sa composition, son harmonie, sa géométrie, etc. Les codes de l’esthétique sont subjectifs, dictés par l’évolution des modes et des tendances artistiques au cours de l’histoire. Ils font référence à un apprentissage et relèvent d’une approche purement cognitive. Seules certaines œuvres conceptuelles ou abstraites échappent volontairement à ce principe et contournent ou négligent parfois la notion d’esthétique.
Mais avant tout, toute œuvre d’art, qu’elle soit esthétique ou non, a invariablement pour objet de transmettre un message, seulement celui-ci n’est pas toujours conscient. Le rendre conscient, permet de mieux maîtriser son expression picturale et aide à savoir orienter ses choix stratégiques et sa technique pour servir le sens de l’œuvre.
Une œuvre d’art est plus forte, elle dégage plus de puissance émotionnelle lorsqu’elle offre deux niveaux de lecture : une approche esthétique basée sur l’aspect (cadrage, valeurs, couleurs, lumière…) et une seconde approche fondée sur le sens (choix du sujet, des techniques, clarté d’expression du message…)
Le premier travail de l’artiste c’est de prendre conscience de ce qu’il souhaite exprimer.
Savoir cerner exactement ce que l’on souhaite communiquer est souvent synonyme de pouvoir s’exprimer naturellement et de façon pertinente. L’artiste doit savoir tenir un discours clair sur ses intentions (point de vue et démarche artistique sont importants lors de la rencontre du public, mais aussi lors de la constitution de dossiers pour les salons d’art, galeries, ou encore dossiers d’admission en École et Atelier d’Art) mais son œuvre doit, avant tout discours, exprimer un message clair, fort et lisible. C’est généralement à ce stade, alors que la technique s’affirme avec l’expérience, que le regard d’un autre artiste ou d’un conseiller artistique prend tout son sens. Un regard extérieur apporte le recul indispensable à l’artiste.
C’est lors de l’émergence d’un style personnel qu’il faut tout particulièrement soigner « l’intelligence » de l’image.
Une image intelligente dans sa conception et dans sa mise en œuvre aura, dans la majorité des cas, un impact bien plus important qu’une image instinctive. Son message doit être intelligible et facile à comprendre. Le cadrage, les valeurs et/ou les couleurs, la lumière, le dynamisme des géométries et de la mise en scène doivent s’accorder pour servir au mieux l’expression d’une idée ou d’un sentiment particulier.
L’aspect de l’œuvre devra faire preuve d’originalité, ou bien dans le cas particulier d’une représentation figurative volontairement conventionnelle, elle cherchera à se distinguer grâce à une virtuosité hors norme. Paradoxalement, l’image doit surprendre, sans pour autant chercher à choquer systématiquement. Ce sont bien souvent les détails qui définissent une œuvre dans sa globalité. Un rendu photo-réaliste devra, par exemple, révéler de près un coup de crayon typique, propre à l’artiste. Une reproduction du réel trop parfaite constitue un excellent exercice d’observation et d’habileté, qui perd cependant beaucoup de son intérêt lorsqu’on la considère en tant qu’œuvre d’art. Son haut degré de perfection, sensé constituer sa principale qualité, lui fait justement perdre cette qualité, à savoir son identité visuelle. A cause de ses qualités trop poussées, elle ne porte plus la griffe de son auteur. L’œuvre perd son caractère personnel, elle peut être exécutée indifféremment par n’importe quel autre artiste capable de faire preuve d’une virtuosité équivalente. Sa perfection rend son caractère caduque.
Votre trait de crayon ou votre coup de pinceau doit pouvoir vous représenter.
Il remplace votre signature, de façon à ce que l’on puisse, un peu comme lorsqu’on observe une écriture manuscrite, reconnaître son auteur juste à la forme, à l’aspect, à la morphologie de son trait ou de sa touche. De ces images « stylisées » structurées autour d’un message fort naissent, selon moi, les plus grandes émotions. D’une virtuosité remarquable, les œuvres travaillées à l’excès, qui s’approchent d’un rendu « photographique, » paraissent bien souvent froides et impersonnelles. En contre exemple, les mouvements surréalistes et plus récemment la peinture fantastique, nous ont cependant prouvé qu’elles génèrent de l’émotion, lorsqu’on les met en œuvre pour décrire de façon très réaliste des univers qui n’existent pas en dehors de l’imagination de l’artiste.
S’efforcer de tendre vers l’épure, c’est parvenir à représenter avec force l’essence des choses.
Pour l’artiste débutant comme pour l’artiste confirmé, la grande difficulté, c’est de dépasser ce sentiment perfectionniste qui nous pousse à vouloir remplir, de façon descriptive, la totalité de la toile. Tous les détails, si intéressants soient-ils, se trouvent en concurrence les uns avec les autres et forment un tout qui tend à escamoter le message, qui pourtant constitue la première raison d’être de la représentation.
Tout l’art du peintre est, avec une certaine économie de moyens, de signifier l’idée qu’il souhaite transmettre. Un simple trait ou une surface peinte dépouillée suffisent quelquefois à exprimer des notions très complexes. La peinture donne alors l’impression d’avoir été réalisée très simplement, sans effort, presque d’un seul geste. Une impression visuelle bien agréable pour le spectateur qui, pour l’artiste, est souvent toute autre !
Guidé par un regard extérieur, l’amateur pourra acquérir dès le départ un réflexe visant à épurer son travail et mettre sa technique et sa composition au service du sens, tandis que l’expert aura pour tâche de mobiliser tous ses efforts pour libérer son expression en allant directement à l’essentiel.
Faut-il achever systématiquement ses travaux ? Quand faut-il dire « Stop, on ne touche plus ! » ?
Comment définir la limite où il faut savoir s’arrêter ?
« Stop, on ne touche plus ! »
Combien de fois ai-je prononcé cette phrase, devenue culte en cours de peinture contemporaine, avant de voir disparaître, sous un coup de pinceau ou un coup de crayon malheureux, l’expression belle et juste d’un visage ou le galbe harmonieux d’une nature morte sous la lumière ? Que d’énergie dépensée pour retrouver cette expression évaporée. C’est précisément ici qu’un conseiller artistique, un enseignant ou le regard d’autres artistes vous sera le plus précieux. Avez-vous déjà observé votre toile dans un miroir ? C’est un exercice que je propose souvent en début d’année, qui permet à votre cerveau de voir votre composition et les géométries qui la composent pour la première fois. Exercice sans appel, vous repérez dès le premier regard les erreurs de votre construction ou les déséquilibres de votre composition, qui vous auraient échappés jusque-là.
C’est le moment de corriger et d’épurer votre travail.
Votre conseiller artistique se comporte comme un « miroir psychologique et stylistique. »
Comme le miroir physique vous permet de rétablir l’équilibre géométrique de votre œuvre, un regard critique positif sur votre travail vous permet de bien rendre conscient le sens que vous souhaitez donner à votre tableau. Vous pouvez ainsi dissiper les doutes et les interrogations qui brident votre travail, puis vous concentrer uniquement sur les techniques qui servent le sens de votre œuvre et caractérisent votre identité visuelle. A cette occasion, des défauts ou des faiblesses peuvent être compris, puis exploités comme des points forts qui vous serviront à affirmer votre style.
Lors du déroulement de mes cours, j’essaie fréquemment d’attirer l’attention des artistes sur l’intérêt de définir puis de communiquer leur message visuel avec efficacité. Même si certains souhaitent que l’art demeure juste un loisir pour eux, la recherche d’un certain rendement peut cependant s’avérer très profitable. On évite ainsi les pertes d’énergie, de temps et le découragement qui en résulte et on peut se consacrer exclusivement à ce qui nous motive réellement : la création plastique.
La recherche d’un équilibre entre lâcher prise et maîtrise : c’est le pinceau qui guide la main, ou bien est-ce la main qui guide le pinceau ?
Dans cette optique, on remarquera qu’une épure, même très élaborée, dégage souvent un dynamisme visuel bien plus important qu’une peinture aboutie et permet, en outre, d’attirer l’attention sur un élément majeur dont l’intérêt est, justement, de dominer la composition. En retrait derrière le détail dominant, il est parfois utile de montrer quelques détails secondaires qui servent efficacement le sujet choisi. Composés en nombre impair, ils rendront la composition bien plus harmonieuse. On portera alors un soin particulier à l’organisation dynamique des géométries, afin de faire converger le regard du spectateur vers le détail majeur. Pour capter son attention aussi longtemps que possible, on veillera à éviter les géométries qui pointent en dehors de la toile. On peut s’appuyer lors de la première esquisse sur une grille décomposant la surface dessinée en tiers, en spirale, en portions du nombre d’or, etc.
Il est parfois intéressant de s’autoriser une certaine liberté d’expression et d’être soi-même un peu spectateur de l’œuvre. Certains artistes obtiennent de très bons résultats en laissant leur esprit s’exprimer très librement, d’autres sentiront la nécessité de maîtriser parfaitement leur geste pour créer : tout est ici affaire de personnalité de l’artiste.
Ma méthode pédagogique :
l’observation > l’assimilation et l’appropriation > la reformulation
Basée sur un travail progressif, débutant par la simple observation puis retranscription fidèle, jusqu’à une appropriation stylistique totale du sujet, ma méthode pédagogique cherche à faire évoluer parallèlement les facultés d’observation, la dextérité et le style personnel des artistes par paliers successifs. L’intérêt d’une telle démarche est d’associer l’approche intuitive et cognitive de l’art, afin de garantir à la fois la maitrise, ou virtuosité, des élèves et le développement indispensable de leur personnalité et de leur sensibilité propre. Ainsi, à l’acquisition des techniques artistiques de base s’ajoute le développement d’une vraie personnalité de l’artiste, d’une identité visuelle, qui lui permet de se distinguer des autres le rend original et unique.
En début d’année, le travail s’orientera vers les techniques d’observation, et de représentation : savoir observer, comprendre et exprimer. Au-delà de voir, il faut apprendre à observer et à restituer ce que l’on observe.
Progressivement, au fil du temps, l’expression cherchera à se défaire des détails superflus et s’orientera vers l’épure afin d’exprimer de façon pertinente l’essence des choses. C’est ici que la personnalité de l’artiste va se développer ou se confirmer et c’est à ce moment qu’il concentrera tous ses efforts dans la recherche ou la consolidation de sa propre expression stylistique.
Prendre pleinement conscience du processus créatif pour mieux le maîtriser : de l’œil au cerveau à la main.
Prendre pleinement conscience de ce que l’on cherche à exprimer est essentiel, et nous permet de choisir consciemment des techniques et moyens à mettre en œuvre pour servir efficacement cette expression.
Le résultat recherché : une œuvre globale mieux maîtrisée, cohérente et homogène dans le temps, un parti-pris franc et clairement revendiqué, l’émergence d’un style personnel. L’œuvre d’un artiste, vue dans sa globalité, doit être reconnaissable même si elle n’est pas signée. C’est son œuvre, et ses caractéristiques font qu’elle ne peut en aucun cas être l’œuvre d’un autre artiste.
Pour l’artiste amateur confirmé, professionnalisant ou déjà professionnel, il est indispensable de savoir aller à l’essentiel, sans de perdre de temps. Il faut savoir exprimer uniquement l’essence des choses . On doit alors essayer de s’éloigner autant que possible de l’œuvre descriptive, quelquefois très séduisante mais dont on, se lasse généralement assez vite. On cherche à susciter l’émotion, et dans cette démarche, suggérer est bien plus fort que décrire, car l’esprit du spectateur s’implique totalement dans l’œuvre et devient un peu acteur de celle-ci. Tout votre art repose alors sur la subtilité de cette suggestion. Votre objectif de communication pictural sera d’autant mieux atteint que vous parviendrez à retenir l’attention du spectateur aussi longtemps que possible.
La présentation, mise en scène, et l’histoire racontée par l’œuvre comptent au moins autant que l’œuvre elle-même.
N’oubliez jamais ceci : en peignant, vous ne copiez pas la nature, vous cherchez à l’exprimer. En l’interprétant, vous produisez une vision interne et personnelle, qui par conséquent vous est propre, et ne peut en aucun cas être similaire à celle d’un autre artiste.
Votre fonction d’artiste consiste à vous démarquer des autres artistes.
Mon conseil : pour toucher votre public, laissez parler votre sensibilité, osez vous exprimer librement et sincèrement, mais toujours avec maîtrise, planifiez votre communication et mobilisez toute votre force de travail pour progresser sans relâche vers une image toujours plus intelligente et toujours plus personnelle qui vous représentera fidèlement…
Geoffroy.
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